Institute for Public Affairs of Montreal
Outrepassons les partis politiques:Besoin collectif d'un but

Jean David
La Presse/Montréal 11.décembre.2002  

Tout le monde s'entend sur le fait que notre société est propulsée dans une dynamique de changement sans commune mesure dans l'histoire de l'humanité. Ces changements ne sont plus seulement d'ordre technologique, mais touchent directement les individus, les relations entre les groupes, les citoyens et l'organisation de notre société.

Dans bien des cas, ce qui était normal hier ne fait plus de sens aujourd'hui et ne survivra pas à demain. C'est ce qui est en train de se passer avec nos partis politiques. Ils ne tiennent plus la route et sont en situation imminente de dérapage incontrôlé. Ce qui est troublant ici, c'est que ces institutions sont au coeur de notre système démocratique. Il y a un réel danger pour nous tous, d'où l'obligation d'intervenir rapidement afin d'éviter un misérable retournement de situation.

Besoin collectif d'un but

Les Québécois, par leur spécificité culturelle, ont besoin collectivement d'un but, d'un objectif, d'un plan de match autour duquel ils peuvent se regrouper, s'identifier, s'affirmer et s'exprimer. Cet objectif est plus important que le chef politique qui le propose, ces chefs qui consacrent souvent beaucoup plus d'énergie à composer avec leurs machines partisanes qu'avec les destinées du Québec.

Nous tournons en rond, propulsés par nos sociétés d'État, par le sacro-saint modèle québécois: on navigue en eaux troubles. Nous sommes une collectivité de salles d'urgence qui fait du surplace dans un immense glissement de terrain socioculturel, au grand bonheur de chefs de nouvelles avides de sensations fortes qui ont pour mission de doper les téléspectateurs à l'anxiété.

Il est impératif, à ce moment-ci, de se donner les moyens de mettre en oeuvre une réflexion à la mesure de nos ambitions, au-delà des partis politiques. A contrario de ces derniers, un important segment de la population a pris conscience que le monde a changé, qu'il n'est plus ce qu'il était il y a 20, 10 et même deux ans. Il faut surtout se rendre compte que notre environnement va changer encore plus dans les 10 prochaines années. La plus grande richesse naturelle du Québec, ce sont les Québécoises et les Québécois; c'est là la seule donnée à la fois stable et fondamentale de notre société.

Les vraies conditions gagnantes dont le Québec a besoin sont celles où chaque citoyen aura la chance d'exprimer son individualité, ses talents et de prendre sa place et ses responsabilités dans notre société. La vraie souveraineté, c'est celle de chaque individu. Réinventer le Québec n'est surtout pas l'affaire d'un seul parti politique, c'est le devoir de tous les Québécois, au-delà des slogans pour mousser les ventes.

Dans ce grand exercice, on doit faire preuve d'imagination et se mettre à l'abri du «prêt-à-penser» téléguidé par des intérêts électoraux à court terme, donc à courte vue. Bien au contraire, nous devons prendre le temps de nous demander, entre nous, ce que nous souhaitons pour nous-mêmes et pour nos enfants.
Utilisons l'effervescence préélectorale et canalisons les énergies du changement dans un brainstorming national sur notre avenir. Faisons donc parler les Québécois hors des agendas partisans et intéressés. Parlons-nous maintenant de notre vision, comment voyons-nous le Québec dans 10-15 ans? Mettons en place une opération inédite de consultation populaire sur l'avenir du Québec.

Mettons à contribution les médias, la société civile et tous les secteurs d'activité. Gagnons le support et la collaboration des institutions et des employeurs sur tout le territoire du Québec. Prenons le temps de questionner et d'écouter les citoyens; invitons-les à s'exprimer!

Une démarche en quatre volets

La démarche proposée couvrirait quatre volets:

- LA DÉCOUVERTE. Découvrir ce qui marche au Québec: les réussites, les «success stories», le «best of». Le but: valoriser et apprécier ce qui fonctionne plutôt que de mettre l'accent sur ce qui ne marche pas, sur les problèmes, comme c'est trop souvent le cas. Du même souffle, envoyons un signal fort et positif qui va dans le sens de valoriser notre identité. Qui dit identité, dit système de valeurs. Identifions les valeurs que nous privilégions.

- LE DÉSIR. Quels sont les désirs profonds des Québécois? À quoi rêvent-ils? Dans quel genre de société aimeraient-ils vivre? À quel genre de monde voudraient-ils appartenir? Dans quel genre de société aimeraient-ils que leurs enfants vivent? On se remue les méninges tout le monde et l'on imagine la situation idéale. Nous sommes à l'étape de «qu'est-ce que ça pourrait être?»

- LE DESIGN. À partir des histoires à succès qui sont le ferment et les semences de ce que pourrait devenir la société, comment peut-on faire des plans? Comment pouvons-nous dialoguer sur ce qui «devrait être«?

- LE DESTIN. Nous prenons notre destin en main et nous identifions des actions concrètes à entreprendre dans tous les secteurs. Arrive l'heure des engagements et de la responsabilisation. Nous mettons en oeuvre un plan d'action. Ce n'est pas l'affaire du gouvernement, c'est l'affaire de chaque citoyen. Qu'est-ce que chacun peut faire aujourd'hui et demain dans les limites de ses ressources?

Quand nous cherchons autour de nous ce qu'il y a de meilleur dans les systèmes humains, les qualités positives non seulement ressortent, mais elles ont tendance à se multiplier. Prenons le temps de faire remonter à la surface les bonnes nouvelles, les forces, les réalisations, les opportunités, les visions et les innovations. Ce n'est pas une façon d'éviter la réalité, mais bien une façon de l'améliorer.

Je crois sincèrement que nous avons une occasion unique de faire valoir et de développer nos talents et notre savoir-faire. Donnons-nous une valeur ajoutée, donnons-nous le droit d'être créatifs et d'innover dans notre quotidien, dans nos institutions, dans la gestion de l'État, dans notre système de santé, dans notre façon d'enseigner, de faire des affaires.

Ce projet est ambitieux, les Québécois le sont tout autant face à leurs institutions démocratiques. En tant qu'individu et en tant que peuple, il faut INNOVER pour survivre!

Mettons-nous à la recherche d'une société plus intelligente et plus humaine, une société ouverte d'esprit et de coeur. D'ici aux élections, participons à la définition des vrais enjeux pour une société plus riche de sa véritable qualité de vie, plus proche d'elle-même, au-delà des formations politiques traditionnelles. Tous ensemble.


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