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Luc Ferry: Une Condemnation de la Banalisation des Injures Racistes, Antisémites, et Antisionistes

Le Monde

Le Monde/Paris

19.March.2003


 Le ministre de l'Education Luc Ferry a annoncé mercredi la mise en place d'un plan pour éviter les "affrontements communautaires" dans les établissements scolaires français dans la perspective d'une guerre en Irak.

Le conflit en Irak "va inévitablement aviver les tensions intercommunautaires dans certains établissements", a estimé M. Ferry lors des Questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Si le ministre ne veut "pas dramatiser les choses", il entend "rester vigilant et mobilisé". Luc Ferry a donc réuni mercredi en fin d'après-midi "les 100 chefs d'établissements qui sont les plus concernés par ces affrontements communautaires".

Le ministre a déclaré avoir "demandé aux recteurs de veiller à ce que la plus grande fermeté soit appliquée en cas d'affrontements communautaires". Ainsi, "il ne faut pas simplement recourir aux sanctions réglementaires, mais aussi, quand il le faut, déposer plainte devant la justice".

Il a par ailleurs annoncé la mise en place dans les rectorats d'une "cellule de veille et d'action dans laquelle vingt médiateurs iront à la demande des chefs d'établissements dans les établissements". Leur mission: "rappeler les principes républicains et les principes de fermeté".

Luc Ferry a également souhaité l'élaboration d'un "livret républicain" pour "raviver les principes républicains et de laïcité".

Après avoir reçu les chefs d'établissement rue de Grenelle, il a précisé lors d'une conférence de presse en fin d'après-midi que ce livret devait lui être remis "dans le mois et demi qui vient" pour une diffusion à la rentrée scolaire 2003 dans les écoles, collèges et lycées.

Ce livret, et les cellules de médiation, font partie des mesures déjà annoncées le 27 février dernier à titre préventif. Depuis, les proviseurs n'ont pas observé de dégradation sur le terrain. "De leur propre avis, les chefs d'établissement n'ont pas noté de phénomène d'augmentation particulier", a affirmé Luc Ferry.

Mais il déplore la banalisation des injures racistes et antisémites. "Ca ne nous est plus signalé. C'est devenu tellement banal qu'un chef d'établissement qui voudrait rapporter chaque insulte resterait pendu au téléphone", souligne-t-il. Et le ministre délégué à l'Enseignement scolaire Xavier Darcos de renchérir: "Ce qui nous inquiète, c'est cette banalisation". 

Il a conseillé aussi la "plus grande fermeté" aux chefs d'établissements pour maintenir les principes républicains de laïcité à l'école, et éviter l'importation du conflit du Proche-Orient, en general, dans les classes et les universités.

Le ministre s'est déclaré "préoccupé" par "les affrontements communautaires" et la montée d'un certain nombre d'actes et de paroles antisémites et racistes, recensés au sein d'établissements scolaires ou universitaires.

"Il faut que le ministère apporte une réponse extrêmement ferme" car "l'institution ne répond pas suffisamment bien" lorsque "certains élèves se prennent pour des Israéliens et d'autres pour des Palestiniens", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Revenant sur le sujet l'après-midi devant l'Assemblée nationale, le ministre a précisé qu'il avait "demandé aux recteurs d'académie" de "veiller à ce que tous les incidents soient punis avec la dernière sévérité" et de constituer "au coeur même de l'administration des cellules de veille, et d'aide aux chefs d'établissements, souvent démunis et ne sachant comment expliquer aux jeunes la conduite à tenir", a-t-il dit.

 M. Ferry a critiqué la position adoptée par l'université Paris 6 lorqu'elle a voté une motion sur la suspension de l'accord de coopération entre Israël et l'Union européenne. Selon lui, il existe aujourd'hui trois formes d'antisémitisme en France: "le traditionnel, hitlérien, qui peut exister dans certains partis d'extrême-droite". "Il est aujourd'hui résiduel et en régression". "Une deuxième sorte est en lien avec le conflit au Moyen Orient: c'est l'antisémitisme le plus inquiétant, lié à la présence d'une très forte communauté musulmane en France", a-t-il ajouté. " Il y a enfin une tentation antisioniste qui vire parfois à l'antisémitisme, bien qu'elle vienne souvent d'intellectuels de gauche, démocrates, mais en désaccord avec la politique d'Israël" auquel il faut "savoir, là aussi, résister".

"Il faut bien avoir conscience que le principe de l'école républicaine, nous l'avons un peu oublié", a-t-il souligné devant la presse. Il s'agit du "respect dû à tous, abstraction faite de leur appartenance religieuse, culturelle ou ethnique", a-t-il ajouté.

"Nous assistons à une dérive communautaire depuis déjà une dizaine d'années qui avait commencé avec l'affaire du foulard et qui peut aller jusqu'au cas des écoles Diwan", a-t-il ajouté.

Alors que son prédecesseur, Jack Lang, s'est prononcé récemment pour une loi afin d'interdire le foulard islamique à l'école, M. Ferry s'est aussi déclaré "à titre personnel" opposé au port du foulard islamique à l'école. "S'il n'y avait pas l'arrêt du Conseil d'Etat, j'interdirais le port du foulard islamique à l'école", a déclaré le ministre.

"Si la République interdisait ce foulard, cela aiderait les familles et les jeunes filles à se libérer", a-t-il ajouté. "Mais, je suis en responsabilité et bien obligé de respecter l'arrêt du Conseil d'Etat", a-t-il dit en précisant qu'il recommandait aux chefs d'établissement de prendre "l'interprétation la plus dure possible" de cet arrêté.

Les affaires de foulard islamique apparues dans les collèges et lycées en 1989 touchent maintenant les universités, selon Hanifa Cherifi, chargée de mission au ministère de l'Education nationale, qui souligne cette progression dans un livre écrit avec Roger Fauroux ("nous sommes tous des immigrés", Robert Laffont), sorti en janvier. 

Luc Ferry:

"Je vais vous répondre en évoquant un sujet très inquiétant. Il s'agit de la montée des affrontements communautaires et de la recrudescence de l'antisémitisme dans les établissements. Nous devons y répondre avec la plus grande fermeté, sans laisser la moindre faille s'introduire. Or je constate que certains chefs d'établissement sont, sur ces sujets-là, parfois dé- stabilisés par l'ampleur et la violence de certaines situations extrêmes. Il leur est difficile de faire rétablir l'ordre, l'autorité, tout particulièrement dans le cadre des affrontements communautaires, des insultes racistes ou antisémites. C'est pourquoi je demande aux recteurs de veiller à ce qu'on réponde avec la dernière énergie et la plus grande fermeté à tout ce qui ressemblera à des actes antisémites ou racistes. J'ai l'exemple précis d'un élève qui a fini par quitter son collège tant l'environnement devenait intolérable. C'est rigoureusement inacceptable et dans ces cas, heureusement encore ultraminoritaires, il faut savoir réagir pour rappeler les principes républicains qui s'imposent à tous.

"Il faut faire preuve de fermeté. Le pire serait d'importer le conflit du Proche-Orient dans les établissements, y compris dans les universités. Nous payons très cher une dérive de l'ensemble de la société française vers le communautarisme. On ne peut pas se lancer dans la voie de l'affirmative action à l'américaine et en même temps maintenir les principes républicains à la française. Il faut choisir. Face à la montée des communautarismes, nous devons avoir trois types de réponses : une réaffirmation sans faiblesse des principes républicains (appuyée sur des sanctions appropriées lorsqu'ils sont bafoués) ; un dispositif de veille relayé dans chaque académie pour aider les enseignants à prévenir les situations de crise ou à les résoudre au mieux ; des enseignements qui remettent en valeur l'apport de la laïcité dans le contexte de tensions communautaires que nous connaissons. Cela veut dire qu'un individu est respecté indépendamment de ses appartenances communautaires quelles qu'elles soient.

"Ce n'est pas le même problème dans les collèges et dans les campus. Dans les collèges, c'est bien sûr le travail pédagogique qu'il faut privilégier sans reculer de- vant les sanctions indispensables face aux dérapages inacceptables. Dans les universités, les étudiants sont des adultes. Il y a des lois : il faut les appliquer et punir très fermement les exactions, particulièrement antisémites. Les présidents d'université ont des messages à faire passer. A cet égard, certaines positions sont inquiétantes : évitons des dérives absurdes telles que le vote de la motion du conseil d'administration de Paris-VI sur la suspension de l'accord de coopération entre Israël et l'Union européenne en matière de recherche et de développement.

"Peut-être pas dans l'esprit de ses initiateurs mais elle a de fait lancé ce débat. Je pense qu'il y a aujourd'hui trois formes d'antisémitisme en France. L'antisémitisme traditionnel, hitlérien, qui peut exister dans certains partis d'extrême droite. Il est aujourd'hui résiduel et en régression. Une deuxième sorte est en lien avec le conflit au Moyen-Orient ; c'est l'antisémitisme le plus inquiétant, lié à la présence d'une très forte communauté musulmane en France. Je ne dis évidemment pas que les musulmans sont antisémites : leur religion, bien comprise, s'oppose, au contraire, à toutes les formes de racisme. Mais force est de constater que cela n'empêche pas les dérives. C'est pour cette raison qu'un professeur d'histoire-géographie est parfois interrompu quand il donne un cours sur la Shoah. Il y a enfin une tentation antisioniste qui vire parfois à l'antisémitisme, bien qu'elle vienne souvent d'intellectuels de gauche, démocrates, mais en désaccord avec la politique d'Israël. Cet antisionisme d'extrême gauche dérape parfois et déculpabilise des pulsions politiques déplaisantes. Ce fut le cas, je crois, à Paris-VI. Il faut savoir, là aussi, y résister."

 






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