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Un nationalisme déplorable:Le rapport Romanow--le champ de bataille

Me.Julius Grey

La Presse/Montréal

6.décembre.2002


Quelle déception de voir le Parti québécois, qui se veut social-démocrate, s'aligner avec la droite du Canada anglais et avec les partis d'opposition contre le rapport Romanow, sous prétexte que les recommandations donnent trop de pouvoirs à Ottawa! Et quelle belle illustration du danger, pour toute personne progressiste, de se laisser séduire par le nationalisme! Trop souvent, face au moindre conflit, le nationalisme dogmatique a préséance sur la justice sociale.

Nul doute que si le PQ réalisait son rêve de souveraineté, les points d'impôts seraient récupérés d'Ottawa. Ce rêve n'est cependant pas réalisable et la montée de l'ADQ devrait nous démontrer que s'il l'était, il n'y aurait aucune garantie de la pérennité des services sociaux et du modèle québécois. À plus forte raison, il est impossible de présumer que le Québec est à l'abri de vagues de pensée de la droite.

La déchéance de l'assurance-maladie publique, gratuite et universelle aurait pour effet de compromettre tous les gains sociaux que les Québécois ont réalisés depuis 1960. L'assurance-maladie est au coeur de la solidarité entre citoyens et de la notion d'égalité et de dignité et de justice sociale qui a été notre idéologie depuis la chute du «duplessisme». Quelle institution peut incarner aussi complètement l'idée que la vie et la santé de chacun comptent de la même façon quelque soit son état et son rôle dans la société?

Tant et aussi longtemps que le Canada demeure un pays, il est impensable de décentraliser le financement des services de la santé. Non seulement les provinces maritimes éprouveraient beaucoup de difficultés à maintenir leur système, mais certaines provinces, notamment l'Alberta et la Colombie-Britannique ouvriraient leurs portes à une privatisation progressive et inviteraient sûrement les entrepreneurs américains à s'emparer de parties du système. À long terme, ceci ne manquerait pas d'affaiblir le concept de l'assurance-maladie et à forcer les autres provinces, bon gré mal gré, à autoriser l'opération de ces entreprises. Par ailleurs, si l'ADQ prend le pouvoir, le Québec participera au mouvement non seulement par obligation, mais avec enthousiasme. Il n'est pas difficile de deviner qui, entre Jean Chrétien et Mario Dumont, est plus apte à défendre les programmes sociaux et même le plus ardent des souverainistes devrait se méfier d'une décentralisation dans la présente conjoncture s'il tient sincèrement à la démocratie sociale.

Le rapport Romanow deviendra sans doute le champ de bataille entre la gauche et la droite canadienne. La montée des écoles privées a déjà affaibli le système d'éducation publique. Si le système de santé est transformé de façon américaine, il ne restera plus beaucoup de différences entre les deux pays. Non seulement le modèle québécois mais le modèle canadien serait réduit à quelques nuances qui ne justifieraient pas, à long terme, le maintien d'un pays indépendant.

Une question financière

Il faut ajouter qu'il n'y a rien de dogmatique dans le rapport Romanow. La participation du secteur privé dans la santé n'est pas exclue. L'existence de limites financières à nos souhaits est reconnue et acceptée. Seulement, contrairement à beaucoup de critiques de l'assurance-maladie, Romanow insiste sur la primauté du secteur public en matière de santé, puisque seul un système public peut mettre l'accent sur l'universalité et sur l'égalité.

Le rapport Romanow n'a rien à voir avec un débat constitutionnel. La question est financière. Romanow répond à tous ceux qui disaient que l'injection de l'argent était inutile et que la réorganisation et l'amincissement de la bureaucratie pouvaient enrayer les défauts de notre système. En réalité, le financement est crucial même si certaines améliorations peuvent être effectuées sans coût. Le rapport s'attaque donc à une des vaches sacrées, depuis la montée de la droite il y a vingt ans, c'est-à-dire la phobie contre les taxes. Or, ce qui compte, ce n'est pas l'identité du gouvernement qui impose les taxes, mais le maintien d'un niveau suffisant de taxation. Dans les siècles passés, les citoyens avaient raison de se révolter contre l'imposition de taxes pour des guerres et pour la gloire des rois. Ces taxes ne leur rapportaient pas grand chose. Aujourd'hui, les taxes financent les programmes sociaux et permettent de réduire les écarts entre les riches et les pauvres. Une idéologie qui fait miroiter aux citoyens l'appât d'une diminution de leur fardeau fiscal mène nécessairement au démantèlement des programmes. La tâche du centre-gauche canadien et québécois est de convaincre les citoyens qu'ils gagnent quand ils paient leurs taxes. Mais quel gaspillage de temps que de se morfondre sur des questions de répartition des pouvoirs et dans des querelles stériles entre Québec et Ottawa!

Encore une fois, on a la preuve claire que les Québécois doivent passer à d'autres sujets s'ils désirent maintenir un État basé sur la justice sociale et l'égalité.





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